La laïcité pour faire humanité

Les sénateurs LR ont déposé une proposition de loi pour soi-disant « assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation (…) y compris lors des sorties scolaires ». Il s’agit en fait d’interdire aux mamans accompagnatrices de porter un voile lors de ces sorties. Cette proposition de loi fait suite à la provocation lancée par un élu régional du Rassemblement National, provocation relayée par la droite et même par le ministre de l’Education national qui a dit considérer que « le port du voile n’était pas souhaitable ». Le débat public s’est ainsi déplacé sur la laïcité. Celle-ci étant mise à toutes les sauces, il est bon de rappeler les principes qui la fondent.

Commençons par dire ce que n’est pas la laïcité. Ce n’est ni un athéisme, ni un anti cléricalisme. Certains voudraient l’embrigader pour un faire un anti islam dans une guerre de religion entre chrétiens et musulmans. D’autres en faire un outil pour maintenir l’expression religieuse dans l’espace privé. La laïcité c’est tout autre chose. C’est un outil qui donne vie à la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité.

La laïcité, c’est la liberté et l’égalité de droit garanties par la République à tout citoyen de croire ou de ne pas croire ; d’adopter la religion de son choix et d’en pratiquer les rituels.

C’est la Fraternité et le respect des croyances ou de la non croyance. Et je dis bien respect et non tolérance. Car il ne s’agit pas de tolérer des croyances, mais de respecter un droit.

La laïcité, la loi de 1905 qui la fonde, c’est la séparation de l’Etat et de l’Eglise. Comme le dit Victor Hugo : « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». Cela ne veut pas dire que l’Etat est contre les religions. Au contraire, il a la responsabilité de garantir la liberté de culte. Cela veut dire la séparation du religieux et du politique. Qu’il n’y a pas de religion d’Etat et que la gestion des affaires publiques, des affaires de la cité, relève du politique et non du religieux.

Mais cela ne veut pas dire non plus que les religions ou l’athéisme ne pourraient pas s’exprimer dans l’espace public et prendre position dans le débat public.

La laïcité n’interdit pas l’affirmation d’une croyance dans l’espace public, entre autre par des attributs vestimentaires.

Par contre, ce qui est interdit, mais ce n’est pas spécifique à l’expression religieuse, cela concerne aussi l’expression politique, syndicale, associative, personnelle, c’est d’occasionner des troubles de l’ordre public.

Et dans bien des débats récurrents sur les tenues vestimentaires de femmes musulmanes, on peut se demander où est le trouble de l’ordre public. On peut se demander si les éventuels troubles de l’ordre public ne seraient pas le but recherché par ceux qui suscitent et alimentent ces débats médiatiques.

On peut aussi s’interroger sur la fréquence de ces débats à quelques mois d’élections.



C’est pour clarifier cette conception, la seule conforme à la loi de 1905, que j’ai organisé en février 2019 un débat sur la laïcité où se côtoyaient à la tribune Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, l’évêque de Saint-Denis et l’imam d’Ivry.

Dominique Dellac